Derrière les trois intouchables que sont Arsenal, Man U et Chelsea, la bataille pour l’obtention des accessits européens bat son plein en Angleterre. Alors que Liverpool n’avance plus depuis un moment, un noyau d’équipes ambitieuses encercle les Reds au classement. Parmi elles, Aston Villa, qui flirte depuis un mois avec la cinquième place et que l’on n’attendait pas à pareille fête en début d’exercice. Il était donc important de s’attarder un moment sur la seule star de l’équipe, Martin O’Neill, son entraîneur. L’un des rares managers britanniques encore crédibles.
Il y a encore quelques mois, lorsque l’on regardait cette équipe aux couleurs horribles - plus communément appelées Claret and Blue - s’évertuer à pratiquer un kick and rush vintage, on se demandait toujours qui des joueurs de West Ham ou de Villa étaient sur la pelouse. Désormais, on sait. Les milieux de terrain continuent de voir le ballon leur passer au dessus du crâne, certes, mais Aston Villa, c’est l’équipe coachée par ce petit brun à lunettes au front dégarni, Martin O’Neill.
Derrière ce look d’intello pas forcément erroné - O’Neill est un passionné de criminologie et est diplômé en Droit - se cache un manager exalté abonné aux miracles, et qui n’hésite pas à enfiler le survêtement de son club tous les samedis après-midi, quand ses confrères de Premiership préfèrent le classique costard cravate, plus classe pour les conférences de presse d’après-match. Lorsqu’il fut intronisé manager du supposé gros club de Birmingham, à l’été 2006, les Villans venaient de terminer le championnat à une bien triste 16ème place. Ils sont aujourd’hui cinquièmes, à deux points de la Ligue des Champions.
La carrière de Martin O’Neill a réellement décollé lorsque celui-ci entraînait Leicester City, à la fin des années 90. Un club glauque, certes, mais qui termina en première partie de tableau chaque saison où il fut drivé par le Nord-Irlandais. Entre 1996 et 2000, Leicester atteint à trois reprises la finale de la League Cup, pour finalement lever le trophée une paire de fois, soit autant que Manchester United dans toute son histoire.
En 2000, O’Neill devient manager du Celtic Glasgow, un club prestigieux mais littéralement anéanti par l’incontestable domination des Rangers sur le plan national durant la décennie 90.
Là encore, O’Neill va triompher et faire exploser les statistiques. Son premier Old Firm se solde par une éclatante victoire des Bhoys (6-2) devant l’ennemi protestant, tandis que sa première saison s’achève par un exceptionnel triplé domestique : Championnat, Coupe d’Ecosse et Coupe de la Ligue. Le club n’avait alors jamais connu la C1 dans sa forme dite moderne et passait ses mercredis soir à mater la bande à Gascoigne se trimballer d’un bout à l’autre de l’Europe.
Durant son règne à Parkhead, O’Neill établira un nouveau record, celui du nombre de victoires consécutives dans un Old Firm, soit sept succès d’affilée. Lorsque son Celtic ne fut pas champion, il en profita pour atteindre la finale de l’UEFA l’année suivante, en 2003. Bien que très inférieurs au Porto de Mourinho, les Bhoys n’abdiquèrent qu’au bout de la prolongation. O’Neill était alors un entraîneur courtisé par toutes les grosses écuries du royaume. Il figurait même parmi les favoris à la succession de Ferguson avant que l’Ecossais ne se décide à prolonger son bail chez les Red Devils.
En fait, la seule chose qui provoqua le départ de Martin O’Neill du Celtic, où il était véritablement adulé, ce fut le cancer de sa femme, en 2005. On croyait alors à une retraite définitive : « Ce sport, c’est ma vie, lance t-il. Mais quoi que l’on dise sur les supposées pressions que l’on subit, il faut savoir relativiser et replacer tout ça dans son contexte. Le foot, ce n’est rien comparé aux autres problèmes de l’existence ».
Joueur, déjà, O’Neill était fidèle, travailleur et dévoué à son club. Un mec pour qui renverser des montagnes relevait de la simple routine. Brian Clough en avait fait l’un des piliers du Nottingham Forrest des années 70, la seule équipe au monde à avoir gagné davantage de Coupes d’Europe des clubs champions que de championnats nationaux.
Il fut également le capitaine de cette formidable équipe nord-irlandaise de 1982, qui humilia l’Espagne à domicile lors du Mundial. Aujourd’hui encore, O’Neill applique les fondamentaux tactiques propres aux équipes britanniques de son époque. Une culture du fighting spirit qu’il tient probablement du football gaélique, un sport qu’il a pratiqué jusqu’à 17 ans. Pour guider son attaque, le système d’O’Neill s’appuie sur une bonne vieille tour de contrôle à l’ancienne, voire un bourrin pas technique pour un sou, chargé de créer des brèches et de dévier des ballons pour son compère d’attaque plus virevoltant, plus agile, plus glamour aussi. C’était l’association entre Hartson et Larsson au Celtic hier, c’est Carew et Aghbonlahor aujourd’hui. Bien que simpliste, la formule marche, et le spectacle est là. Cette saison, Villa compte déjà deux 4-4 dans son garage, notamment le fameux nul arraché à Stamford Bridge, le jour du Boxing Day.
Après le fiasco de la sélection aux Trois Lions dans sa course au tyrolien, la Fédération s’est légitimement tournée vers O’Neill. Hasard ou coïncidence, l’effectif des Villans n’est pas loin d’être le plus anglais de toute la Premier League, tout du moins de la première partie de tableau.
Avec Agbonlahor, Young, Carson ou Barry, il y a fort à parier que Capello ira piocher régulièrement dans le réservoir du club de Birmingham pour constituer son groupe. Quitte à confier son équipe nationale à un étranger, autant que ça soit à un Britannique.
O’Neill avait même la préférence du seul entraîneur de l’Angleterre potable de ces vingt dernières années, Sir Bobby Robson. « Dans un monde parfait, un sélectionneur anglais serait le mieux. Mais nous ne sommes pas dans un monde parfait, a-t-il ajouté. Le bon sélectionneur doit être brillant, intelligent, expérimenté et être un meneur d’hommes. Il doit avoir une forte personnalité, avoir remporté des trophées et posséder une expérience en Ligue des champions. Le seul entraîneur du pays à approcher ces critères est Martin O’Neill ».
Mais le Nord-Irlandais, comme par le passé, a refusé un poste prestigieux. Par fidélité ? Pour ne pas mettre son club dans l’embarras en plein milieu de la saison ? En fait, O’Neill n’avait peut-être pas les épaules assez larges, et il le savait. S’il a toujours refusé de prendre en charge un très gros club, c’est peut-être pour une raison toute simple, que Tony Cascarino résume parfaitement : « Pour tirer le meilleur de ses joueurs, O’Neill n’a pas d’égal. Il fait d’un joueur moyen un bon joueur et d’un bon joueur un joueur génial. Mais peut-il rendre un joueur génial fantastique ? ».