Interview exclusive Jérôme Rothen

Jérôme Rothen aurait pu être champion de France. Jérôme Rothen aurait pu être champion d’Europe. Jérôme Rothen aurait pu jouer à Chelsea. Mais Jérôme a choisi Paris, une Coupe de la Ligue et une Coupe de France à la clé. Aujourd’hui, Jérôme joue à Ankara et se raconte comme jamais : son épopée écossaise, sa vision du PSG 2009/10 et son passé d’international. Interview exclusive en trois parties.

Comment tu as atterri à Ankaragucu ?

Je n’aurais pas résilié mon prêt à Glasgow si j’avais pas été sûr d’avoir quelque chose. Le mercato d’hiver, on sait tous que c’est toujours un peu compliqué, d’une part parce que j’ai un certain statut, un certain salaire, et ensuite parce que tu intéresses forcément des clubs qui sont mal classés, qui ont besoin de se renforcer pour bien finir la saison. Donc j’avais des contacts avec la Grèce, on m’a aussi parlé de la Turquie, moi très honnêtement, le club, je ne le connaissais pas, après le fait que Roger Lemerre venait d’être nommé coach, bon, ça m’a rassuré, là je me dis que ça peut être un truc pas mal, je me renseigne un peu de mon côté, j’ai vu le recrutement qu’ils voulaient faire, ils venaient de prendre Geremi, l’ancien du Real et de Chelsea, donc j’ai bien compris que le club avait vraiment envie de sortir de cette mauvaise zone. Tout de suite ils ont voulu mettre une option sur moi, j’ai dit attendez, moi je veux d’abord voir comment ça se passe, on fait les quatre mois et après, on voit si vous êtes contents et que moi je suis content eh bien pourquoi pas tout en sachant qu’il me reste un an à Paris après. Financièrement, y a pas eu de problèmes, c’était intéressant, et sportivement, avec l’équipe qui se montait, je me suis dit que c’était un beau challenge. Je sais que c’est un club historique ici, un club populaire, avec beaucoup de supporters, c’est des fanatiques ici. Mais bon avant de signer ici, fallait que je règle mes affaires avec les Rangers parce qu’eux, ils me l’ont bien fait à l’envers.

Comment ça ils te l’ont fait à l’envers ?

Bah en fait le prêt s’est réalisé le dernier jour parce que ça avait capoté avec Schalke alors que tout était ficelé avec le club. Ils devaient vendre Rafinha au Bayern pour 15 millions qu’ils comptaient réinvestir sur moi mais bon… Et du coup tu te retrouves le dernier jour du marché, tu as demandé à partir parce qu’avec Paris ça n’allait plus, Paris me dit si tu restes, ce sera la CFA, bon moi j’aurais pu dire bah voilà, je reste, je jouerai en CFA et je prends mon salaire tous les mois mais je voulais encore vivre des sensations, les Rangers, tu te dis c’est la Champion’s League, ils vont viser le titre même si c’est un championnat mineur, j’entends leur discours qui est positif et je me dis j’y vais. Mais ça n’a pas du tout correspondu avec ce qu’ils m’ont fait vivre.

C’est à dire ?

Ils te disent, nous, on veut prendre un mec à gauche, donc un mec comme toi avec ton expérience, ça va nous ficeler le côté gauche nickel, c’est au-delà de nos espérances. Les premiers matchs, je les joue à droite, bon. Un match, deux matchs, je fais un bon match en Champion’s League à Stuttgart, tu te dis que ça peut surprendre l’adversaire mais une fois, après moi je ne suis pas Lionel Messi, je ne suis pas un dribbleur, je suis un passeur, quand tu te retrouves sur ton pied droit bah… j’ai pas le pied droit de David Beckham donc c’est compliqué. Mais bon je fais mes matchs, je crois que j’en joue un seul côté gauche en championnat au bout du premier mois, contre Aberdeen et je suis élu homme du match. Le match d’après, le coach me remet à droite, en Champion’s League et on prend 4 à 1 contre les Roumains où je suis encore élu homme du match mais bon je suis réaliste, je sais que si on prend 4-1, j’ai ma part de responsabilité mais bon, je donne la balle de but, je suis à l’origine du pénalty qu’on rate derrière, enfin bref après ce match-là, c’est simple, je n’ai plus jamais joué. En fait c’est clair, il m’a écarté sans rien me dire. Moi je me suis dit, je ne vais pas ouvrir ma gueule là-bas, je me dis que c’est pas un choix sportif, c’est pas possible, l’entraineur veut peut-être me faire reposer un peu, puis trois matchs sans jouer bon je me pose des questions et là quatrième match, c’est de nouveau la Champion’s League, j’avais joué les trois premiers matchs de la compétition, les 90 minutes, je me dis bah il va me remettre, il ne me met pas et il fait jouer un jeune de 18 ans à ma place, et en plus à gauche. Donc là je me dis, y a un réel problème. Pour te rendre compte, j’allais même pas m’échauffer, je restais sur le banc, y avait moi et le deuxième gardien. Je me pose des questions, je me dit j’ai rien dit dans la presse, à l’entrainement je me donne à fond, j’ai rien dit aux autres joueurs et de toute façon avec mon anglais je pouvais pas dire grand chose, j’ai joué une dizaine de matchs où j’ai été élu 4 fois homme du match, je pense avoir montré des choses, après bien sûr je suis d’accord, homme du match y a à prendre et à laisser.

Du coup tu vas voir le coach ?

Voilà, exactement, je demande à lui parler. Écoutez je ne comprends rien, personne ne me dit rien, je ne suis pas là pour ne pas jouer, et en plus j’aimerais bien jouer à mon poste. Et là il me dit écoute je sais, c’est pas évident pour ton adaptation, mais aujourd’hui j’ai besoin de plus de mobilité sur le terrain, j’avais besoin de changer des choses, je lui dis oui mais il n’y a que moi qui ait changé, regardez les stats, je veux bien accepter des choses mais là je ne suis pas d’accord avec vous. Il me dit non mais c’est mon choix, si ça te plait pas, moi je ne ferme pas la porte au mercato d’hiver, il me dit ça, on est fin octobre, ça ne fait que deux mois que j’y suis. Je lui dis mais si vous voulez que je parte au mercato d’hiver, il faut aussi que je joue, le mercato c’est dans deux mois, si je ne joue pas, ça va être compliqué pour moi comme pour vous. Le week-end arrive, on joue les derniers, y a une hécatombe, y a plein de malades, plein de blessés, y a huit absents, donc je me dis tant mieux, je vais jouer, je vais enfin profiter, et là il me fait un coup… il met le jeune de 18 ans à droite, il met l’Américain Beasley qui n’avait plus joué depuis un an, à gauche, il ramène des jeunes qui ne s’étaient jamais entrainés avec nous avant et il me met sur le banc. Donc sur le banc, t’as que des jeunes, le deuxième gardien et moi, des gamins de 17 ans, moi je faisais la nounou. Le match il est bidon, nous on est bidon, et avant la mi-temps, le milieu gauche qui se pète ! Là je me dis que si c’est pas maintenant, ce sera jamais, eh bah non, il fait remonter l’arrière droit en milieu droit et il met le milieu droit à gauche… Suite à ce match-là, il y avait la trêve internationale avec les matchs de barrages tu sais, le France Irlande, donc le match se termine, j’étais énervé, le coach vient me voir et me donne le programme des jours à venir, on avait notre fin de semaine de libre donc je me dis que je vais rentrer à Paris, puis je reviendrai pour jouer le match amical pour ceux qui n’avaient pas joué, et donc là, il me tend la feuille et il me dit, pour toi, c’est 10 jours de repos ! Je lui dis mais ça fait 6 matchs que je ne joue pas et vous me donnez 10 jours de repos ??? J’ai pas besoin de repos ! En fait il y avait le repos pour le capitaine David Weir qui a 40 ans et moi ! Tous les autres, ils avaient entrainement.

Mais pourquoi t’avoir fait venir ?

C’est bien ce que j’ai demandé au président, il parle français là David Dean, je lui dis, je comprends pas, on me fait pas jouer, on me donne des fausses excuses, si j’avais été nul, je comprendrais mais c’est pas le cas, il me dit non mais si tu trouves un club, ce serait mieux pour tout le monde que tu t’en ailles.

Aujourd’hui tu ne connais toujours pas les raisons de cette histoire ?

J’ai creusé un peu de mon côté, je sais qu’ils ont une grosse dette, ils ont voulu faire des économies, moi je leur rapporte rien vu que je suis en prêt et qu’ils ne vont pas pouvoir me vendre en fin d’année, ils se sont dit avec le salaire qu’il a, si on peut le faire dégager au mercato, on économisera au moins six mois. Ils ont dégagé Pedro Mendes qui est parti au Sporting, qui était quand même capitaine en début d’année quand je suis arrivé, Bouga, ils ont aussi voulu le faire partir mais il n’a pas accepté, il a dit qu’il ne partirait qu’au mois de juin, donc voilà à mon avis c’est un problème financier puisque de toute façon, y a rien eu d’autre. Si ça s’était passé il y a 4 ans par exemple, j’aurais pas attendu 6 matchs hein, au bout de deux, je lui disais ses 4 vérités au coach. Là j’ai fermé ma gueule, je me suis dit, vas pas faire une affaire là-bas, on va encore dire que t’es ingérable. En, France les gens se posaient des questions, mais pourquoi il ne joue pas, il a dû foutre le bordel, bon moi j’ai laissé dire, aux Rangers, ils ne pourront pas dire Rothen, il a foutu la merde, Rothen il est parti et heureusement que j’ai trouvé quelque chose sinon je passais encore 6 mois à faire banquette. Et puis le niveau de jeu en Écosse, c’est des rythmes de National, j’ai été surpris franchement, attends tu joues contres des défenseurs, ils ont du bide…

On dit souvent que les suporters turcs sont particulièrement chauds…

Ah ouais, ici, quand tu gagnes ils te le font ressentir, bon même quand tu perds ceci dit… Moi maintenant ils commencent à me connaître donc ils viennent me taper sur l’épaule, m’encourager. Moi je suis content parce que, c’est Umit l’entraineur adjoint qui me racontait ça, ici, les fans sont souvent durs avec les étrangers, et de moi ils sont contents, j’ai déjà ma chanson quand je joue.
Finale UEFA : Zénith Saint-Petersbourg – Glasgow Rangers
Les Rangers gagnent